Chirurgie éveillée

Chirurgie des lésions intra-cérébrales en zone fonctionnelle 

Le déroulement d’une chirurgie éveillée

La chirurgie dite en « condition éveillée » est à ce jour la technique la plus fiable pour assister le chirurgien dans la détermination peropératoire de limites fonctionnelles personnalisées et donner ainsi au patient les meilleures chances de récupération neurocognitive.

Elle est particulièrement indiquée dans la résection des lésions gliales de bas grade et de zones épileptogènes, mais s’applique aussi parfois, selon leurs localisations, à d’autres types de lésions (gliomes de haut grade, cavernomes, métastases).

Une intervention en « conditions éveillées » se déroule en trois étapes :
Dabord de la lésion. Le patient est sous hypno-sédation ; les tissus sont anesthésiés localement.
détermination des limites fonctionnelles de la résection. C’est la phase pendant laquelle le patient est réveillé et réalise des tests en continu, sous le contrôle d’une orthophoniste.

On peut ainsi contrôler en permanence les fonctions motrices, langagières, visuelles, spatiales, exécutives 1 ….
Le chirurgien dispose d’une sonde électrique, qui permet de perturber transitoirement la zone stimulée : si le patient ne parvient plus à effectuer la tâche lors de la stimulation, la zone doit être préservée (voir vidéo http://www.college-de-france.fr/site/nicholas-ayache/seminar-2014-05-27-17h30.htm). Les limites sont ainsi identifiées, aussi bien en surface qu’en profondeur puis fermeture de l’abord. Le patient est à nouveau sous sédation (rendormi).

Compte tenu que l’exérèse va au plus près des zones fonctionnelles, il n’est pas rare que les patients présentent des troubles cognitifs dans la période postopératoire immédiate.

Un bilan orthophonique précoce permet alors de les identifier, et d’orienter les séances de rééducation, d’abord dans le service de rééducation du Pr Beaudreuil à l’hôpital Fernand-Widal, puis en externe, avec une orthophoniste de ville.
La récupération est le plus souvent complète, après une période variable d’environ 4 mois (entre 1 mois et 1 an). Au total, dans la série de Lariboisière 2, 85 %  des patients ont pu reprendre leur activité professionnelle après une chirurgie éveillée pour un gliome de bas grade.  

Quel est le rôle de la chirurgie ?

L’objectif est d’enlever le plus de tumeur possible, car toutes les études ont montré
que plus l’exérèse est importante, meilleur est le pronostic. Cependant, l’exérèse
n’est pas toujours possible, notamment pour des tumeurs en zones hautement
fonctionnelles. On préfère dans ce cas, réaliser dans un premier temps une
biopsie afin de connaitre la nature exacte de la tumeur, avant d’envisager une
éventuelle intervention pour retirer la tumeur si cela s’avère nécessaire et possible.
 Dans tous les cas, le prélèvement est analysé par les neuropathologistes (Pr Homa
Adle-Biassette et Dr Chiara Villa) et le résultat est obtenu en une semaine environ.
L’étendue de l’exérèse est planifiée lors de la discussion préopératoire avec le
patient, moment essentiel pour analyser le retentissement prévisible de la résection
sur la vie socio-professionnelle du patient. Par exemple, pour des tumeurs de mêmes
localisations frontales, les limites ne seront pas les mêmes selon que le patient est
professeur de sport (ce qui nécessite de respecter les circuits de la coordination des
mouvements) ou professeur d’anglais (ce qui nécessite de respecter les circuits des
deux langages parlés et écrits, le français et l’anglais).
La chirurgie dite en « conditions éveillées »est à ce jour la technique la plus fiable
pour assister le chirurgien dans la localisation de ces limites fonctionnelles. Le Pr
Emmanuel Mandonnet, référent pour ce type de chirurgie, est un expert
reconnu internationalement dans chirurgie en condition éveillée et la prise en charge
des gliomes.
Un contrôle d’imagerie par IRM est  effectué après l’intervention, dans les 48h qui
suivent l’intervention pour confirmer l’étendue de l’exérèse de la tumeur.
Il faut ensuite 5 à 10 jours pour obtenir les résultats définitifs de l’analyse de la
tumeur retirée, et quelques semaines avant d’obtenir l’intégralités des analyses de la
tumeur au niveau moléculaire (anomalies chromosomiques, mutations de gènes, …)
En fonction du type et du grade de la tumeur, un traitement complémentaire par
radiothérapie, chimiothérapie ou thérapie ciblée peut être proposé. Dans les tumeurs
de haut grade, tel que les glioblastomes, une radiothérapie et une chimiothérapie
et/ou thérapie ciblées est quasi systématique.

L’équipe de chirurgie éveillée

L’activité de chirurgie repose sur la cohésion de toute une équipe, comprenant chirurgiens, anesthésistes, infirmière anesthésistes, neuroradiologues, orthophonistes et neuropsychologues, médecins rééducateurs. L’équipe, animée par le Professeur Mandonnet, comprend :
une partie anesthésie, avec le Pr Etienne Gayat, le Dr Jona Joachim et les infirmières anesthésistes  Sylvie Aubrun, Séverine Levavaseur, Astrid Letertre. Les séances préopératoires de relaxation hypnotique permettent au patient d’aborder l’intervention dans les meilleurs conditions possibles de détente ;
une partie électrophysiologique avec les neurologues du service de neurochirurgie spécialisés dans l’épilepsie chirurgicale (Dr Chassoux et Dr Zanin) ainsi que des électrophysiologistes de l’INRIA-Montpellier (François Bonnetblanc et Olivier Rossel).

Cette expertise peropératoire unique permet à la fois d’aider à localiser la zone épileptogène, et d’utiliser de nouvelles méthodes (potentiels évoqués intra-cérébraux) pour mieux comprendre la connectique cérébrale, et ainsi, la conserver 3;
une partie orthophonique, avec Mme Isabelle Poisson, Mme Marion Barberis, Mme Cécile Prevost et Me Sophie Letrange. Le bilan préopératoire oriente notamment sur les tests pertinents pour la phase peropératoire ;
une partie neuroradiologique, avec l’équipe du Pr Houdart sur Lariboisière et le Dr Mellerio au centre cardiologique du Nord. Ceci permet notamment de définir avec certitude l’hémisphère langagier du patient 4 (qui est l’hémisphère gauche chez 99 % des droitiers et 90 % des gauchers) ;
une partie rééducation, avec le Dr Tlili et le Dr Heslot, dans le service de médecine physique et de réadaptation du Pr Beaudreuil à l’hôpital Fernand Widal. Un programme individualisé de rééducation est ainsi défini pour chaque patient ;

1 Mandonnet E, Vincent M, Valero-Cabré A, et al. Network-level causal analysis of set-shifting during trail making test part B: A multimodal analysis of a glioma surgery case. Cortex 2020; 132: 238–49.
2 Barberis M, Poisson I, Prévost-Tarabon C, et al. Verbal fluency predicts work resumption after awake surgery in low-grade glioma patients. Acta Neurochir (Wien) 2024; 166: 88.
3 Boyer A, Stengel C, Bonnetblanc F, et al. Patterns of axono-cortical evoked potentials: an electrophysiological signature unique to each white matter functional site? Acta Neurochir (Wien) 2021; 163: 3121–30.
4 Mandonnet E, Mellerio C, Barberis M, Poisson I, Jansma JM, Rutten G-J. When Right Is on the Left (and Vice Versa): A Case Series of Glioma Patients with Reversed Lateralization of Cognitive Functions. J Neurol Surg A Cent Eur Neurosurg 2020; 81: 138–46.