Neurochirurgie guidée par l’image – Presentation du Pr Emmanuel Mandonnet au Collège de France – 27 mai 2014

 

 

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Au cours de cet exposé, nous analyserons comment différents modèles biomathématiques de l’évolution des gliomes intracérébraux et de leur interaction avec le fonctionnement cérébral peuvent – ou pourront dans un futur proche – aider le neurochirurgien aux différentes étapes de la prise en charge du patient.

En pré-opératoire, le modèle de croissance tumorale de prolifération-diffusion, alimenté par les IRM consécutives d’un patient, permet de déterminer la cinétique de croissance individuelle, élément fondamental dans la prise de décision opératoire. D’autre part, l’atlas de résécabilité fonctionnelle – construit à partir des résidus postopératoires de séries de patients opérés dans des centres de références et ayant pour but de pouvoir estimer objectivement si la tumeur d’un patient est opérable ou non – fournit un outil privilégié pour homogénéiser les stratégies de prise en charge entre différentes institutions.

Pendant l’opération, le chirurgien s’aide de la neuronavigation comme d’un GPS intra-cérébral. Mais le « brain shift », généré par l’effondrement du cerveau au fur et à mesure de l’exérèse, limite considérablement la précision de cet outil (jusqu’à 1 cm de décalage). Des algorithmes de correction en temps réel, prenant en compte les propriétés biomécaniques du tissu cérébral, apporteraient au chirurgien une aide incontestable. Par ailleurs, toutes les cartographies tumorales et fonctionnelles des IRM multiséquences peuvent à présent être intégrées dans la neuronavigation. Parmi celles-ci, les tractographies des faisceaux de substance blanche, résultant de l’application d’algorithmes de tracking à partir des séquences en tenseur de diffusion, donnent une information précieuse sur les réseaux neuronaux à préserver. Nous verrons cependant que la variabilité anatomique des faisceaux obtenus par différents algorithmes de tracking limite considérablement l’intérêt de cette technique d’imagerie, ce d’autant qu’on ne dispose pas actuellement d’une imagerie fonctionnelle sur ces faisceaux. C’est pourquoi la chirurgie en conditions éveillées est devenue le standard pour opérer les gliomes en zones fonctionnelles. Cette méthodologie offre une opportunité unique d’étudier les principes du fonctionnement cérébral. En particulier, les potentiels évoqués axono-corticaux, enregistrés en réponse à des impulsions uniques appliquées sur les faisceaux, constituent un puissant moyen d’identifier les réseaux neuronaux fonctionnels.

Après la chirurgie, les modèles prolifération-diffusion sont à nouveau appliqués pour prédire la récidive, adapter la stratégie thérapeutique et optimiser les traitements (en particulier pour le contourage des cibles de radiothérapie). Enfin, la plasticité cérébrale peut être modélisée, en étudiant notamment l’impact de la chirurgie sur la topologie des réseaux neuronaux à partir de la magnéto-encéphalographie ou de l’IRM fonctionnelle de repos.

Au total, on est en droit d’attendre que la modélisation mathématique des imageries non-invasives tumorales et fonctionnelles pré- et post-opératoires, couplées aux enregistrements électrophysiologiques per-opératoires, deviendra un outil à part entière dans la prise en charge des patients. Cependant, de gros efforts restent à faire pour rendre les modèles plus proches de la réalité et pour évaluer rigoureusement leur validité en pratique clinique.