Le Point sur la Chirurgie de l’épilepsie

 

La chirurgie de l’épilepsie est un des principaux domaines de la neurochirurgie fonctionnelle. Elle concerne les patients qui présentent une épilepsie grave, par la fréquence de leurs crises ou par les symptômes qu’ils présentent au cours de celles-ci, dont les crises résistent aux médicaments antiépileptiques (on parle alors d’épilepsie pharmaco-résistante), et chez lesquels un bilan clinique et paraclinique va démontrer une origine focale des crises (c’est-à-dire provenant d’une lésion ou d’une région précise et limitée du cerveau).

 

Equipe Epilepsie

 

  • Dr Francine Chassoux, Neurologue
  • Pr Bertrand Devaux, Neurochirurgien
  • Pr Emmanuel Mandonnet, Neurochirurgien
  • Dr Adrien Zanin, Neurologie, Chef de clinique
  • Mme Agathe Laurent, Neuropsychologue
  • Mme Aicha Idali, Infirmière coordinnatrice, Technicienne d’EEG

 

Historique

C’est au Canada, à Montréal, que cette chirurgie a vu le jour, à la fin des années 1920, sous l’impulsion de Wilder Penfield. En France, c’est à l’hôpital Sainte-Anne à Paris qu’elle fut développée, grâce à l’esprit novateur de Jean Talairach, neurochirurgien, et de Jean Bancaud, neurologue, à la fin des années 1950. Au fil des années, leurs élèves ont importé cette chirurgie dans leurs centres respectifs, en France et à l’étranger. On compte aujourd’hui une vingtaine de centres en France.

 

Epilepsie et chirurgie de l’épilepsie

L’épilepsie affecte 0,5 à 1% de la population. Elle entraine non seulement un handicap lié à la répétition des crises, mais aussi des conséquences cognitives, effets secondaires des médicaments anti-épileptiques, et psycho-sociales. Elle entraine une sur-mortalité, par accidents ou SUDEP (mort subite inexpliquée des patients épileptiques). On estime entre 5000 et 10000 le nombre de candidats potentiels à une intervention, alors que 400 à 500 interventions annuelles sont réalisées dans les centres français. Les délais de prise en charge des candidats à la chirurgie demeurent excessifs, en particulier chez les enfants et adolescents, chez lesquels débute le plus souvent l’épilepsie.

 

Qu'est ce que l'épilepsie

 

Patients éligibles à la chirurgie de l’épilepsie

Les principaux syndromes curables par la chirurgie sont l’épilepsie mésio-temporale (associée à une sclérose hippocampique) (figure 1), l’épilepsie causée par une tumeur congénitale (dite neuro-développementale) ou par une malformation du développement du cortex cérébral (la plus fréquente est la dysplasie corticale focale). Plus rarement en cause, les malformations vasculaires (cavernomes) et les lésions cicatricielles.

 

IRM cérébrale : image de sclérose hippocampique : atrophie de l’hippocampe gauche (flèche)

 

Bilan pré-chirurgical

Parmi les patients épileptiques suivis en consultation de neurologie ou de neuropédiatrie, les candidats potentiels sont sélectionnés sur les données cliniques, les EEG et sur l’imagerie cérébrale. Un enregistrement vidéo-EEG de longue durée est le plus souvent réalisé pour confirmer une origine focale des crises et la corréler aux données cliniques et d’imagerie. Ce premier bilan peut suffire à poser une indication chirurgicale. Il est lors complété par un bilan pré-chirurgical qui comporte une IRM plus spécifique, avec étude fonctionnelle, couplée à une TEP (tomographie d’émission à positons), un bilan neuropsychologique. Chez certains patients, une exploration intracérébrale par électrodes profondes implantées (SEEG – stéréo-électro-encéphalographie) (figure 2) peut être nécessaire pour identifier la zone épileptogène et définir la stratégie chirurgicale.

 

Implantation d’électrodes pour exploration SEEG

 

Implantation d’électrodes pour exploration SEEG

 

Techniques chirurgicales

Les techniques chirurgicales se sont diversifiées aux cours des 4 dernières décennies, et associent aujourd’hui les interventions de résection, les plus courantes et adaptées à chaque patient (Figure 3), celles de destruction focale (radiochirurgie, thermocoagulations stéréotaxiques), celles de déconnexion (hémisphérique ou lobaire) et celles de neuromodulation (stimulation cérébrale profonde et stimulation du nerf vague). Les régions cérébrales fonctionnelles ne sont plus inaccessibles à un geste chirurgical efficace sur les crises et respectueux des structures fonctionnelles. Des lésions très épileptogènes, comme les dysplasies corticales, focales, peuvent être réséquées en totalité sans risque fonctionnel inacceptable et avec d’excellents résultats sur les crises.

 

Résection chirurgicale d’une dysplasie corticale focale pariétale droite.

 

Resultats de la chirurgie

Les résultats de la chirurgie sur les crises dépendent de l’étiologie de l’épilepsie et de la qualité de la résection chirurgicale. Dans l’épilepsie mésio-temporale, 60 à 80 % des patients opérés peuvent espérer être libres de crises ; ils sont plus de 80 % après résection d’une tumeur neuro-développementale (DNT, gangliogliome), et près de 90 % après résection d’une dysplasie corticale focale.  La suppression des crises à long terme est associée à une meilleure qualité de vie, à une réduction de la mortalité et des effets secondaires de l’épilepsie chronique et des traitements médicamenteux qui peuvent être réduits, voire arrêtés dans les meilleurs cas, sans parler de la réduction des coûts de la maladie.

 

IRM post-opératoire montrant la cavité de résection, suffisante à la guérison des crises.

 

Perspectives

Il reste des progrès à faire dans cette chirurgie fonctionnelle.

Les premiers sont organisationnels, visant une identification plus précoce des bons candidats à la chirurgie dans la population des patients épileptiques et une réduction des délais d’accès au bilan pré-chirurgical et à la chirurgie, par la création de réseaux de soins, notamment lors de la transition enfant-adulte ; ils concernent aussi le suivi post-opératoire, qui conditionne la qualité des résultats chirurgicaux.

Les seconds sont technologiques, par les progrès de l’imagerie préopératoire (IRM à très haut champ), permettant d’identifier des lésions cérébrales invisible sur les imageurs de routine ; par l’amélioration des techniques chirurgicales (développement de techniques focales moins invasives tout en restant efficaces) ; par le développement de méthodes d’imagerie opératoire à haute résolution (imagerie de fluorescence, OCT, ultrasons), pour un guidage plus précis en temps réel du geste chirurgical).

 

Une activité pluridisciplinaire

La chirurgie de l’épilepsie est une activité pluridisciplinaire qui nécessite des compétences dans divers domaines – neurologie, neurochirurgie, neurophysiologie, neuro-anesthésie, neuro-imagerie, neuropathologie -, une équipe paramédicale et médico-sociale expérimentée – neuropsychologues, techniciennes EEG, IDE, assistante sociale – ainsi qu’un équipement architectural et technique spécifique – chambres d’enregistrement et poste de surveillance, dispositifs médicaux implantables -. Elle se pratique ainsi dans les centres hospitaliers qui possèdent sur place l’ensemble de ces compétences et équipements.

 

Projet Epiliepsie – Nouveau Lariboisière

Le projet d’établissement du Nouveau Lariboisière, avec l’appui de l’Université de Paris et le GHU-Nord, intègre la chirurgie de l’épilepsie. Il possède l’environnement nécessaire au développement de cette activité de neurochirurgie fonctionnelle, et s’est engagé dans le recrutement des compétences humaines, dans la formation des personnels et dans l’acquisition des équipements indispensables à la pratique de cette chirurgie dans tous ses aspects : soins de qualité, enseignement et formation, recherche.

Fédération Française de Neurologie - Epilepsie